Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : alceste , pensées d'un médecin atypique
  • : textes et reflexions d'un médecin sur l'ethique la philosophie , les grandes sagesses et notre société , tous cela en le rapportant à une quotidienneté teintée de l'approche d'une profession particulière
  • Contact

Profil

  • anton ar gwillou
  • je suis médecin 
 ma vie a été un peu chaotique 
 je suis un chercheur de vie , voici mes réflexions mes textes
  • je suis médecin ma vie a été un peu chaotique je suis un chercheur de vie , voici mes réflexions mes textes

Rechercher

Archives

13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 19:19

Le dernier poilu ;

In memoriam…mon grand père maternel

 

les20poilus201418 

 

C’est un petit port accroché aux berges d’un ria au fond duquel les carcasses des vieux chalutiers achèvent d’agoniser dans la vase morbide .Quand tu regardes vers la mer tu vois à droite une imposante villa comme on en construisait à la « belle époque ». Elle domine le petit port de sa puissante silhouette qui voudrait ressembler à un château moyenâgeux .Villa fin du 19* début du 20* siècle, construites par une puissante bourgeoisie qui devait finalement s’enrichir en approvisionnant les armées pendant la grande guerre ; la fameuse « arrière » qui festoyait et paradait professant un patriotisme mercantile, pendant que les soldats bretons étaient envoyé les premiers à l’assaut, payant ainsi un lourd tribu à cette boucherie d’état. Sous l’occupation, on ne les vit plus, et certain avaient imaginé qu’ils avaient été déporté, mais très vite après la fin de la guerre, la famille revint aux périodes estivales.  Les occupants du « kastell » ne fraient pas avec les gens d’en bas ; ils sortent en belles décapotables, jeunesse dorée, et chemise Lacoste, joli sloop qui les attend dans le port, fêtes restrictives auxquelles les notables sont conviés, traiteur et majordome.

J’aime beaucoup retourner quelques jours dans mon petit pen ti que j’ai réussi à acheter au prix de lourdes hypothèques,malgré sa modestie, mais vous savez la spéculation immobilière dans nos régions.

C’est mon pays, « bro ma tadou , bro ma galon », et j’ai toujours imaginé finir ma vie là bas , le visage rougi par les vents du noroit ,  savourant l’instant où je descendrai  lâcher l’amarre de mon vag ar gwen ha du » pour une belle partie de pêche .

Quand j’arrive j’en profite toujours pour rendre visite à un vénérable vieillard centenaire qui me raconte sa guerre, la grande, car il me rappelle mon grand père maternel, leçon de pacifisme  émouvante.

Il vit seul avec l’aide de tout un chacun ici pour son ménage sa cuisine sa santé, c’est un peu la mémoire du village. Dernièrement sa maison a été frappée d’alignement pour un projet immobilier soutenu par un des fils du Kastell.

Cette fois ci quand je suis monté, il n’était plus, n’ayant pas supporté d’avoir été placé en maison médicalisée, pendant qu’on rasait sa vielle demeure .Ils auraient au moins pût attendre son décès naturel ! Je rageais.

Au pub, sur les quai, avec les marins revenus de la pêche nous en avons parlé avec beaucoup de colère rentrée ; cela n’a pas amélioré les relations avec ceux du kastell .

D’habitude, mon séjour est très « rôdé » : les copains de viré, le premier café au écoutant le ressac,  les premier roulis en montant sur mon vag ar gwen ha du , les premières nuitées avec les bordées du soir .

Mais cette fois, dés que j’ai repris possession de mon petit pen ti , le moment d’euphorie passé ,j’ai constaté des faits inhabituels .

à inter val régulier un brouillard dense terriblement glacial, impénétrable montait à la marée du soir ; il s’infiltrait à travers les rues, courait sur la lande flottait sue le ria , puis se retirait comme il était venu ; dans le même temps plusieurs habitant de longue date du coin faisaient de curieuses rencontres . Les peuples celtes ont une certaine complicité avec les morts et nous approchions de la fête de Saman  (la Toussaint des chrétiens), mais c’est une chose que de le dire c’en est une autre que de le vivre. Ainsi plusieurs familles eurent la visite d’un vieux du village .La fête de Saman est l’occasion pour les habitant du monde de Sidth de rencontrer les vivants ; les ancêtres élevés spirituellement peuvent aider les vivant, mais aussi les défunts peu avancés à leur mort,  dans le chemin de l’esprit, peuvent trouver auprès des vivant de l’aide pour s’envoler. c’est le sens de la fête de Saman .

Chaque jour de la semaine qui nous séparait de la toussaint voyait la marée monter à l’assaut des berges du ria , comme une charge inexorable s’approchant de plus en plus près du kastell .

Depuis mon pen ti j’observai avec un sentiment mitigé, fait d’angoisse et de curiosité,

ce brouillard qui semblait presqu’humain, animé d’une rauque respiration ; on le voyait s’étendre brusquement puis se retirer avec une insupportable lenteur.

Au début, personne ne s’inquiétait de ces événements ; pour les bretons, du brouillard, des fantômes, quoi de plus ordinaire !

Au kastel , les bobos qui venaient en weekend , trouvaient ça » terriblement charmant ».

Un jour pourtant, alors que les vagues mugissantes du brouillard avaient réussies à atteindre les contreforts du « château », les vigils qui habituellement dormaient, furent brutalement réveillé par une sorte de cri guerrier semblant sortir de la muraille blanche qui se tenait comme immobile devant l’entrée ; ouvrant les yeux, ils se trouvèrent face à l’acier ensanglanté de baïonnettes  qui semblaient émerger de la mer blanche et dense du brouillard.

Puis, silencieusement, la marée vaporeuse se retira.

Dans les « tavarn »cela ne ralentit pas les commandes des gwin ruz ou de gwin gwen !!!!Bien au contraire !!!

Et puis le jour de la fête Saman arriva. J’aurais dû me douter de quelque chose ; les vieux d’à côté, presque centenaires m’avaient dit avoir rencontré des garçons de la même « classe » qu’eux, curieusement vêtu de la vareuse militaire de la grande guerre, le fusil à la main, la baïonnette au canon. Comme Yan ar kemener (le vieux d’à côté)  leur demandait sans se départir de son calme habituel, le pourquoi de la chose, ceux de la « classe » de lui répondre sans cligner de leurs orbites vides : « la victoire est proche »!

Le soir de Saman le brouillard monta comme à son habitude, mais cette fois ci avec une vélocité et une violence inhabituelle, si bien que le kastell fût submergé ! Presqu’instantanément ; un cri inhumain retenti alors, cri de gorges de milliers d’hommes qui montent à l’assaut de l’ennemi .un grondement s’amplifiait, comme un roulement de tonnerre, et ceux qui sortait des tavernes laissèrent tomber leur précieuse pinte en voyant le kastel qui s’effondrait et disparaissait dans une masse opaque blanche, mais zébrée d’éclairs, comme ceux qui sortent de la gueule d’une arme à feu.

PuiS la masse informe, blanche et ensanglantée de la brume sinistre se retira silencieusement dans la mer comme apaisée et profonde ; un silence inhabituel s’imposa au ria ; les mains calleuses avaient oubliée que la pinte été tombée, les lippes baveuses restées ouvertes, laissaient couler quelques gouttes de cervoise, puis le bruit répétitif des pintes qui s’échappaient des mains pour se briser sur les pavés du port, teinta comme une messe funèbre.

De l’autre côté du port plus trace du kastel !plus de kastel , plus d’habitant du kastel !!!

En lieu et place des milliers de petites croix, comme jetées par terre, avec rage ; avec écrit dessus : « à la mémoire de ceux qui sont mort pour rien, crevez en enfer, maudits que vous soyez, vous qui avez dansé pendant que nous mourrions »

Nous sommes tous redescendus, chez fanch ar spontail (ça c’est pour les bretonnant) et j’ai payé une bonne pinte à tous ceux qui le voulaient ;

Vraiment la Bretagne c’est un chouette pays

 mort

Kenavo ha gwech all

 

Partager cet article
Repost0